FLASH-INFO – COMMENT REAGIR EN CAS DE CANICULE

En début de période estivale, les pouvoirs publics activent chaque année, depuis 2017, le plan canicule.​​ 

 

Ce plan est l’occasion de rappeler aux employeurs les​​ obligations qui leur incombent pour protéger au mieux la santé et la sécurité de leurs salariés.​​ 

 

En effet, en tant que garant de la protection de la santé et la sécurité des salariés dans l’entreprise, l’employeur doit apporter une vigilance​​ particulière aux épisodes de canicule.​​ 


Cette année, le plan canicule est particulièrement commenté en raison de l’épidémie de coronavirus qui, du fait des gestes barrière de prévention, a un impact sur la gestion des fortes chaleurs au travail.​​ 

 

A titre​​ d’information, selon l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) la chaleur peut constituer un risque pour la santé des salariés au-delà de 30° C pour une activité dans un bureau et 28°C pour un travail physique.​​ 

 

Il nous est donc apparu utile​​ de faire un bref rappel des obligations des employeurs en la matière ainsi que des recommandations pratiques permettant de préserver le bien-être au travail des salariés pendant cette période.

 

DE LA PRÉVENTION À LA RÉACTION

 

A titre​​ préliminaire, il convient de rappeler que le Code du travail ne prévoit aucune disposition spécifique en matière d’exposition des salariés à la chaleur.

 

Il est pour autant nécessaire d’anticiper au mieux ce risque saisonnier et de prendre les mesures essentielles en cas de canicule.​​ 

 

  • L’obligation de sécurité de résultat et l’évaluation des risques​​ 

 

Pour notamment aider les employeurs dans cette démarche, à la suite de la canicule de 2017, le gouvernement avait adopté un plan national canicule, qui a depuis été reconduit chaque année.​​ 

 

Ce plan rappelle aux employeurs que le Code du travail leur impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et préserver la santé physique et mentale des travailleurs.​​ 

 

L’obligation de sécurité de résultat qui incombe à l’employeur est aujourd’hui omniprésente.​​ 

 

En application des articles L. 4121-1 et suivants et R. 4121-1 et suivants du Code du travail, les employeurs ont la responsabilité de prendre les mesures nécessaires visant à assurer la sécurité​​ et protéger la santé des salariés. ​​ 

 

L’employeur a donc une obligation générale de prévention mais doit également prendre des mesures particulières pour anticiper les risques liés à la canicule dans l’entreprise.​​ 

 

Afin d’assumer cette​​ responsabilité, l’employeur doit évaluer les risques inhérents aux fortes chaleurs au sein du Document unique d’évaluation des risques (DUER), et ainsi prévoir un plan d’actions prévoyant les mesures à mettre en œuvre.​​ 

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Ce risque climatique étant évolutif, il est nécessaire, pour l’employeur, d’évaluer les risques de manière quasi journalière.​​ 

 

Cette évaluation doit prendre en considération :​​ 

  • L’évolution de la température en cours de journée ;​​ 

  • La nature des tâches devant être effectuées par les​​ salariés, particulièrement s’ils sont amenés à travailler à l’extérieur ou dans des circonstances présentant des températures élevées ;​​ 

  • L’âge et l’état de santé du salarié.​​ 

 

En fonction de cette évaluation des risques, l’employeur devra mettre en œuvre le plan d’action qu’il aura défini dans le Document unique d’évaluation des risques en concertation avec les interlocuteurs compétents.​​ 

 

  • Les interlocuteurs à privilégier​​ 

 

En complément du plan canicule national, le Haut Conseil de la Santé Publique établit également des recommandations à destination des employeurs.​​ 

 

Afin de mettre en œuvre ces recommandations et définir le plan d’action lié au risque caniculaire au sein du Document unique d’évaluation des risques, l’employeur doit savoir s’entourer des acteurs internes et externes à l’entreprise.​​ 

 

En premier lieu, le médecin du travail et le service de santé au travail seront des alliés précieux.​​ 

 

Les médecins du travail doivent, en effet, alerter l’employeur sur les risque encourus en cas de températures extérieures élevées, notamment quant aux salariés les plus fragiles et les plus exposés.​​ 

 

Ils sont donc invités, avec le service de santé au travail à établir des documents permettant de rappeler les risques aux salariés et les gestes de prévention et de premier secours, qu’il conviendra d’afficher au sein des locaux de l’entreprise.​​ 

 

Le Comité Social et Economique (CSE) devra quant à lui être associé dans l’élaboration du plan d’action.​​ 

 

Il sera en effet nécessaire, a minima, de l’informer et le​​ consulter sur ces mesures.​​ 

 

Enfin, la Direccte joue un rôle privilégié en la matière dès lors qu’elle doit inciter les entreprises à adapter leur organisation du travail en prévention des épisodes caniculaires.​​ 

 

Elle peut, à ce titre, prévoir des contrôles par l’inspection du travail.​​ 

 

Les inspecteurs du travail veilleront alors à ce que les risques et le plan d’action soient identifiés au sein de la DUER.​​ 

 

  • Et en pratique ?​​ 

 

En pratique, les mesures pouvant être prises par l’employeur pour limiter les​​ risques liés aux fortes chaleurs sont multiples.​​ 

En premier lieu, sur le plan matériel, il est recommandé de : ​​ 

  • Assurer une surveillance thermique des lieux de travail ;

  • Veiller au bon isolement thermique des locaux, et de prévoir des mesures correctives​​ si nécessaire, comme des stores, des films antisolaires sur les fenêtres, rafraichissement d’ambiance… ;

  • Prévoir des zones d’ombre ou des abris pour l’extérieur ;

  • Assurer une bonne ventilation des locaux ;​​ 

  • Mettre à la disposition des salariés de l’eau fraiche et potable, à proximité des postes de travail ;

 

Au-delà de l’aspect matériel, le Haut Conseil de la Santé Publique recommande également de prendre des dispositions relatives à l’organisation du travail et le fonctionnement de​​ l’entreprise pendant les grosses vagues de chaleur.​​ 

 

Cette nouvelle organisation ponctuelle peut notamment avoir pour objectif de :​​ 

  • Réduire les cadences et les manutentions manuelles en adaptant le rythme de travail des salariés ;​​ 

  • Adapter les horaires dans la mesure du possible ;​​ 

  • Organiser des pauses supplémentaires ou plus longues ;​​ 

  • Privilégier le télétravail pour les postes qui le permette.​​ 

 

En tout état de cause, les salariés doivent être informés des risques et des mesures mises en œuvre afin de pouvoir de surveiller mutuellement et adopter les bons gestes en cas de signes de faiblesse.​​ 

 

  • Quels sont les risques encourus si l’employeur ne respecte pas ses obligations ?​​ 

 

Si l’employeur ne respecte pas ces obligations, les salariés seraient bien​​ fondés à saisir l’inspection du travail.

 

Au-delà de ce risque de contrôle, l’employeur pourrait être tenu responsable et se voir condamné pour faute inexcusable en cas d’accident du travail lié aux fortes chaleurs, en l’absence d’évaluation des risques et​​ de mesures mises en œuvre.​​ 

 

En cas de contentieux, le salarié, s’il arrive à démontrer un préjudice, pourrait également solliciter la condamnation de l’employeur au paiement de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de sécurité de résultat.​​ 

 

Enfin, l’entreprise pourrait également se retrouver dans une situation délicate si les salariés cessaient le travail, en raison de fortes chaleurs, en usant de leur droit de retrait.​​ 

 

En effet, pour mémoire, le droit de retrait permet aux salariés,​​ ayant un motif raisonnable de penser qu’il se trouvent dans une situation de travail présentant un « danger grave et imminent » pour leur vie ou leur santé, d’arrêter leur travail à condition d’en alerter immédiatement l’employeur.​​ 

 

Cela pourrait donc​​ être le cas de certains salariés exposés à de très fortes chaleurs.​​ 

 

UNE VIGILANCE ACCRUE LIÉE À LA PANDÉMIE DU COVID-19

 

Le plan national canicule reconduit cette année prévoit des adaptations et des précisions liées à la crise sanitaire actuelle.​​ 

 

Malgré les nouveaux gestes barrières obligatoires, les mesures prévues dans le plan de canicule demeurent applicables, toutefois certaines doivent être adaptées.​​ 

 

L’INRS a, quant à lui, publié un communiqué de presse le 25 mai 2020 au sein duquel il apporte des précisions.​​ 

 

En premier lieu, il rappelle que le port du masque est une contrainte supplémentaire. Cette contrainte doit donc nécessiter une vigilance accrue pour l’employeur en cas de forte chaleur.​​ 

 

C’est pourquoi l’INRS préconise de réserver le port du masque uniquement lorsque la distanciation sociale n’est pas envisageable ou bien de favoriser le port de la visière lorsque cela est possible.​​ 

 

En second lieu, l’INRS a alerté sur les risques liés aux systèmes d’aération du fait de la transmission du virus par le biais des gouttelettes respiratoires.​​ 

 

En effet, en cas de système de « brassage de l’air », il existe un plus fort risque de propagation du virus.​​ 

 

Il serait donc indispensable d’avoir une ventilation dans l’entreprise par apport d’air neuf, c’est à dire provenant de l’extérieur. Il peut s’agir soit d’un système mécanique, soit de l’ouverture régulière des fenêtres.​​ 

 

Dans le cadre d’open-spaces par exemple, où de locaux où travaillent plusieurs personnes, l’INRS recommande de n’utiliser la climatisation qu’en cas de nécessité pour assurer de bonnes conditions de travail.​​ 

 

En revanche, le débit de l’air doit demeurer faible et fonctionner en air neuf ou avec un taux de recyclage de l’air le plus faible possible.​​ 

 

Enfin, l’usage des ventilateurs doit être évité.​​ 

 

Il est donc nécessaire d’évaluer les risques au sein de l’entreprise, plus particulièrement cette année, en concertation avec le Service de santé au travail et le CSE.​​ 

 

LE CAS PARTICULIER DU SECTEUR DU BTP

 

Dans ce secteur où​​ les salariés sont particulièrement exposés aux fortes chaleurs, des mesures particulières de prévention doivent être mises en place.​​ 

 

Il sera tout d’abord nécessaire de prévoir un local permettant l’accueil des salariés dans des conditions qui​​ préserveront leur santé et leur sécurité.​​ 

 

S’il n’est pas possible de fournir un tel local aux salariés, il conviendra d’aménager les chantiers pour permettre la protection des salariés dans des conditions équivalentes.​​ 

 

Pendant la période de canicule, plusieurs obligations spécifiques incombent également à l’employeur dans le secteur du BTP :

  • Vérifier tous les jours les conditions météorologiques afin d’évaluer, de manière journalière, les risques ;

  • Avoir une vigilance impérative dès que la température dépasse 30°C à l’ombre ;​​ 

  • Mettre à la disposition de chacun des salariés, a minima trois litres d’eau potable et fraiche par jour.​​ 

 

Enfin, si les conditions sont telles qu’elles rendent effectivement dangereux ou impossible l’accomplissement du travail, l’employeur peut décider d’arrêter le travail après avoir consulté le CSE s’il existe.​​ 

 

Les salariés pourront alors bénéficier, sous certaines conditions, d’une indemnisation au titre du chômage intempéries.​​ 

. . .

En conclusion, l’employeur est soumis à de nombreuses obligations et doit adopter une vigilance accrue en cas de fortes chaleurs sous peine de voir sa responsabilité engagée.​​ 

 

Il convient toutefois de rappeler que le salarié est également soumis à des obligations en ce qu’il doit respecter les conseils et recommandations qui lui sont faites.​​ 

 

Enfin, à titre de précision, la chaleur n’exonère pas les salariés de venir travailler en tenue correcte, en particulier quand ils sont en contact avec la clientèle, en effet, la liberté de se vêtir​​ n’est pas une liberté fondamentale absolue.​​ 

 

N’hésitez pas à nous contacter pour tout éclaircissement et pour être accompagné dans la mise en œuvre des mesures qui incombent aux entreprises en la matière.​​ 

 

Nous vous souhaitons à tous un très bel été !

 

Géraldine CHICAL & Marine GIRAUD

Avocates à la Cour​​ 

 

 ​​​​ geraldine.chical@chical-avocats.com

 ​​​​ marine.giraud@chical-avocats.com

 

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