Face à l’ampleur médiatique et l’impact sociétal de la propagation du Coronavirus dans le monde, la vie des entreprises en est nécessairement troublée.
Afin de tenter de répondre aux interrogations grandissantes, le Ministère du travail a publié le 28 février dernier un « questions-réponses » qui devrait être actualisé très régulièrement pour tenir compte de l’évolution sanitaire.
L’employeur ayant une grande responsabilité en matière de prévention des risques dans l’entreprise, et devant faire face à des impératifs de production pour ne pas mettre en péril son activité, il nous est apparu essentiel de faire un point sur l’étendue des obligations de l’employeur en la matière mais aussi celles des salariés.
LA RESPONSABILITE DE L’EMPLOYEUR EN MATIERE DE PREVENTION DES RISQUES
Rappel des obligations légales de l’employeur
En application de l’article L. 4121-1 du Code du travail, il appartient à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
Des actions de prévention des risques professionnels ;
Des actions d’information et de formation ;
La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
En outre, l’employeur doit veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes
L’obligation de sécurité à laquelle est tenu l’employeur est particulièrement large et s’applique également en matière de risque épidémique comme celui rencontré actuellement en France du fait du Coronavirus.
Il convient de rappeler, qu’à l’occasion de la pandémie grippale H1N1 en 2009, l’administration du travail avait précisé que lorsque le risque est exclusivement ou principalement environnemental, comme une pandémie grippale, les employeurs sont tenus, au minimum, à une obligation de moyens1.
Cette précision apportée par l’administration lors cette épidémie de 2009 doit dorénavant être mise en parallèle avec les évolutions de la jurisprudence en la matière et notamment l’arrêt dit « Air France » rendu le 25 novembre 20152.
Au quotidien, au sein de l’entreprise, il appartient donc à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés.
De ce fait, ces obligations incombant à l’employeur sont particulièrement d’actualité du fait de la propagation du Coronavirus.
L’employeur a donc un rôle déterminant et sa responsabilité pourrait être engagée s’il ne respecte pas son obligation en la matière.
En effet, en cas de maladie contractée par l’un des salariés, la faute inexcusable de l’employeur pourrait être reconnue s’il n’a mis aucune mesure en œuvre, conformément aux recommandations légales pour préserver la santé de ses salariés.
Afin d’être accompagné dans la mise en œuvre de son obligation de prévention, l’employeur peut s’appuyer sur le Comité Social et Economique (CSE) et le médecin du travail.
Compte tenu de leurs prérogatives, les membres du CSE doivent être associés aux mesures de prévention qui seront ou sont mises en place dans l’entreprise.
Le médecin du travail dispose également d’un rôle prépondérant puisqu’il bénéficie d’un rôle exclusif de prévention des risques professionnels et d’information de l’employeur et des salariés. Son service de santé doit alors relayer les consignes sanitaires diffusées par le gouvernement.
Enfin, il convient également de rappeler que l’employeur doit mettre à jour le document unique d’évaluation des risques et y intégrer les recommandations gouvernementales en la matière.
Quelles sont les recommandations générales ?
Les recommandations sanitaires générales du gouvernement, pour l’ensemble des entreprises sont les suivantes :
Rappeler les règles d’hygiènes nécessaires à la limitation de la propagation du virus : se laver régulièrement les mains, éviter de les serrer ou de faire la bise, tousser dans son coude, se tenir si possible à au moins un mètre de ses interlocuteurs, etc…
A ce titre, l’employeur est encouragé à mettre disposition des salariés des solutions hydroalcooliques.
Eviter les déplacements professionnels dans les zones à risque
Les aménagements de poste en cas de risque avéré
A titre préliminaire, il convient de préciser que les salariés avec risque de contamination sont les suivants :
Le salarié qui revient d’une zone à risque selon le gouvernement ;
Le salarié qui est en contact avec une personne de retour d’une zone à risque ;
Le salarié qui est en contact avec une personne contaminée.
En présence d’un salarié « à risque » dans l’entreprise, l’employeur doit impérativement réagir et prendre les mesures nécessaires pour réorganiser le poste de travail du salarié.
En effet, en cas de risque épidémique, un employeur peut imposer des aménagements de travail à ses salariés.
Plusieurs solutions sont alors envisageables pour l’employeur :
Le télétravail
Le Ministère du travail insiste et la solution semble effectivement être idéale : si le poste de travail le permet, le télétravail doit être privilégié.
Par principe, le télétravail requiert l’accord du salarié et l’employeur.
Toutefois, en application de l’article L.1222-11 du Code du travail, en cas de risque épidémique, le télétravail peut être mis en place sans l’accord du salarié.
L’employeur peut donc imposer à son salarié, sous réserve de lui assurer les moyens matériels nécessaires, de faire du télétravail pendant la période d’incubation de la maladie évaluée, à ce jour, à 14 jours.
Le déplacement des congés
Si le télétravail n’est pas envisageable, notamment en raison de la fonction du salarié, l’employeur est en droit de déplacer d’office les congés payés déjà posés par le salarié, en application de l’article L. 3141-16 du Code du travail.
Le salarié sera alors en congés payés pendant la période d’isolement.
En revanche, si le salarié n’a pas posé de congés, l’employeur ne pourra pas les imposer.
La dispense d’activité
Lorsque le télétravail n’est pas compatible avec l’emploi du salarié, ou lorsque le déplacement des congés n’est pas envisageable, l’employeur peut dispenser ce dernier d’activité ou à tout le moins, faire en sorte que le salarié évite les lieux où se situent des personnes fragiles, toute sortie ou réunion non indispensable, les contacts proches (ascenseurs, cantines…).
Le chômage partiel
Le Ministère du travail a eu l’occasion de préciser que l’employeur peut recourir au chômage partiel selon certaines situations qui sont les suivantes :
Si les salariés indispensables à la continuité de l’entreprise sont contaminés par le coronavirus ou placés en quarantaine rendant ainsi impossible la poursuite de l’activité ;
Si les pouvoirs publics décident de limiter les déplacements pour ne pas aggraver l’épidémie ;
Si les transports en commun sont suspendus par décision administrative empêchant les salariés de se rendre sur leur lieu de travail ;
Si l’épidémie entraîne une baisse d’activité entraînant des difficultés d’approvisionnement, la dégradation de services sensibles, l’annulation de commandes, etc…
Qu’en est-il de la rémunération du salarié lorsqu’il est en « quatorzaine » ?
Aux termes d’un décret du 31 janvier 20203, les assurés qui font l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile et se trouvent dans l’impossibilité de travailler pourront bénéficier, à titre dérogatoire, d’un avis d’interruption de travail délivré par l’Agence Régionale de Santé.
Cet avis d’interruption de travail sera transmis par l’ARS à l’assurance maladie et à l’employeur.
Le salarié pourra alors bénéficier d’indemnités journalières de la sécurité sociale, sans délai de carence, pour une période maximale de 20 jours.
Par ailleurs, lorsque l’enfant d’un salarié doit rester chez lui, le salarié peut contacter l’ARS compétente afin qu’un médecin habilité établisse un arrêt de travail lui permettant de garder son enfant s’il ne dispose pas d’autres solutions.
Lorsque le salarié est en télétravail, ou en dispense d’activité sans pouvoir bénéficier d’un avis d’interruption de travail, l’employeur est, bien évidemment, tenu de maintenir la rémunération du salarié.
En cas de contamination
En cas de contamination avérée d’un des salariés de l’entreprise, l’employeur a une obligation de nettoyage des locaux, en application de recommandations gouvernementales précises.
ET LES DROITS ET OBLIGATIONS DES SALARIES ?
Les obligations des salariés présentant un risque de contamination
Le salarié est également soumis à une obligation de sécurité. Il doit, en effet, prendre soin de sa propre santé et de celle des personnes en contact avec lui dans le cadre professionnel (article L. 4122-1 du Code du travail).
De ce fait, le salarié doit prévenir son employeur immédiatement et par tout moyen lorsqu’il revient d’une zone à risques ou lorsqu’il peut raisonnablement penser qu’il existe un danger grave et imminent pour lui et pour les autres.
Le salarié est également tenu de respecter les mesures de précaution du gouvernement et les directives de l’employeur (notamment, le télétravail, la restriction de ses déplacements, le déplacement des congés pays, la dispense de travail rémunérée…).
Enfin, s’ils répondent aux conditions, ils sont invités à demander un avis d’arrêt de travail à l’ARS pour la durée de leur isolement.
Si le salarié méconnait l’une de ces obligations il pourrait faire l’objet d’une sanction disciplinaire.
Les droits des salariés
Le salarié dispose de plusieurs droits, notamment de refuser tout déplacement vers une zone à risques.
Il pourrait également quitter le lieu de travail si l’employeur ne respecte pas les recommandations du gouvernement en formalisant par écrit la raison de son départ.
Enfin, les salariés pourraient, dans des situations extrêmes, invoquer leur droit de retrait en application de l’article L. 4131-1 et suivants du Code du travail. Il s’agit du droit du salarié de quitter son lieu de travail en cas de danger grave et imminent qui ne met pas en danger ses collègues.
A titre d’exemple, les salariés du Louvre ont exercé leur droit de retrait durant deux jours, contraignant ainsi le Musée à réagir et prendre des mesures supplémentaires.
Le Ministère du travail précise que les conditions d’exercice du droit de retrait ne sont pas réunies si l’employeur met en œuvre l’ensemble des recommandations du gouvernement.
En effet, le gouvernement estime que si ces recommandations sont bien suivies, le risque pour les salariés est limité.
En conclusion, le Coronavirus n’a de cesse de faire parler de lui et impacte aussi bien la vie personnelle que professionnelle des français.
Par ailleurs, le gouvernement, conscient des impacts de cette épidémie sur l’activité économique des entreprises a annoncé que les entreprises pourront obtenir un échelonnement de paiements de leurs cotisations et la remise des majorations et pénalités de retard sur des périodes ciblées.
Enfin, nous ne pouvons que conseiller aux employeurs consulter régulièrement le site du gouvernement dédié : https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus, afin d’être à jour des recommandations et ne pas engager leur responsabilité en la matière.
Nous restons bien évidemment à votre disposition pour échanger sur le sujet et vous accompagner en cas de difficultés relatives à la mise en œuvre des mesures susvisées.
Géraldine CHICAL & Marine GIRAUD
Avocates à la Cour
geraldine.chical@chical-avocats.com
marine.giraud@chical-avocats.com
Circulaire DGT 2009/16 du 3 juillet 2009
Cass. Soc., 25 novembre 2015, n°14-24.444
Décret du 31 janvier 2020, D. n°2020-73, 31 janvier 2020, paru au journal officiel le 1er février 2020