La loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 a prévu plusieurs modifications du régime d’assurage chômage qui devaient être négociées par les partenaires sociaux.
Les syndicats n’ayant pas trouvé d’accord dans le délai imparti, le gouvernement a déterminé, seul, les nouvelles dispositions de la convention d’assurance chômage par deux décrets du 26 juillet 2019.
Cette réforme, qui vise à obtenir jusqu’à 250.000 chômeurs en moins et 3,4 milliards d’euros d’économies d’ici à fin 2021, modifie considérablement à la fois les conditions d’ouverture du droit à l’assurance chômage ainsi que le calcul du montant des allocations.
C’est pourquoi il nous est apparu utile de faire un état des lieux des dispositions qui entreront prochainement en vigueur et qui impacteront aussi bien les salariés que les employeurs.
LES CONSEQUENCES DE LA REFORME POUR LES SALARIES
L’entrée en vigueur des nouvelles dispositions
Les décrets du 26 juillet 2019 prévoient différentes dates d’entrée en vigueur selon les dispositions.
En premier lieu, les nouvelles règles d’accès à l’assurance chômage sont applicables aux salariés dont la fin du contrat de travail interviendra à compter du 1er novembre 2019. La fin de contrat de travail correspond à la sortie définitive des effectifs.
Une exception est adoptée pour les salariés dont la procédure de licenciement a été engagée avant le 1er novembre 2019. Dans cette situation, les salariés seront toujours soumis aux dispositions de l’ancienne Convention d’assurance chômage. Cette exception ne s’applique pas aux ruptures conventionnelles.
En second lieu, les nouvelles règles de calcul d’indemnisation entreront en vigueur quant à elle au 1er avril 2020 et seront applicables aux salariés dont la fin du contrat de travail est postérieure à cette date.
Enfin, il convient de préciser que cette nouvelle Convention d’assurance chômage est, comme habituellement, à durée déterminée et arrivera à échéance dans trois ans, au 1er novembre 2022.
Tableau comparatif des anciennes et nouvelles dispositions
Pour plus de lisibilité, les nouvelles règles de la Convention d’assurance chômage seront résumées dans le tableau comparatif ci-dessous :
| Dispositions existantes | Nouvelles dispositions issues de la réforme |
Ouverture du droit aux allocations chômage : la durée minimale d’indemnisation | 88 jours travaillés / 610 heures de travail, soit 4 mois travaillés au cours des 28 derniers mois (38 derniers mois pour les salariés de 53 ans et plus) | 130 jours travaillés (182 jours calendaires / 910 heures de travail, soit 6 mois travaillés au cours des 24 mois précédant la fin du contrat de travail (au cours des 36 derniers mois pour les salariés de 53 ans et plus) |
Rechargement des droits : la durée minimale d’activité | Avoir travaillé 150 heures ou 1 mois au cours des 28 derniers mois (38 derniers mois pour les salariés de 53 ans et plus) | Avoir travaillé 910 heures ou 130 jours, soit 6 mois |
La durée minimale d’indemnisation | 122 jours | 182 jours |
La dégressivité des allocations chômage pour les « hauts revenus » | Pas prévu par la Convention, seul existe un plafond de 248,19 euros par jour | Pour les allocataires de moins de 57 ans qui bénéficient d’une allocation journalière supérieure ou égale à 84,33 euros (soit un revenu mensuel de 4505 euros) : le montant de l’allocation peut être réduit jusqu’à 30% à partir du 7ème mois. Elle ne s’appliquera pas si elle fait passer le montant journalier sous un plancher de 84,33 euros. Une formation pourra suspendre le délai de 6 mois à partir duquel s’applique la dégressivité |
Calcul du salaire journalier de référence (SJR).
Le SJR permet de calculer le montant de l’allocation | SJR = rémunération des 12 derniers mois / (nombre de jours travaillés pendant cette période x 1,4) | SJR = rémunération des 24 derniers mois (36 derniers mois pour les salariés d’au moins 53 ans) / le nombre de jours calendaires pendant cette période |
A la lecture des dispositions ci-dessus on remarque que le décret a pour conséquence de durcir les conditions d’affiliation et de rechargement des droits.
En effet, les durées minimales requises pour bénéficier des allocations sont à la fois réhaussées alors que la période de référence est réduite.
Par ailleurs, la nouvelle formule de calcul du salaire journalier de référence pourrait avoir pour conséquence d’intégrer des jours non travaillés ce qui ferait baisser le montant du salaire journalier.
Globalement, cette nouvelle convention d’assurance chômage est donc moins favorable pour les demandeurs d’emploi.
L’allocation chômage ouverte aux salariés démissionnaires
L’ouverture de l’allocation chômage aux salariés démissionnaires (hors cas de démission légitime) est probablement la nouveauté de la réforme qui a été la plus attendue et commentée dans les médias.
Toutefois, il conviendra d’être particulièrement vigilant dès lors que les conditions d’ouverture sont très strictes.
En effet, le salarié devra avoir été affilié au moins 1300 jours travaillés au cours des 60 mois précédant la fin du contrat de travail, ce qui représente 5 années de travail continu à temps plein.
Ainsi, en cas de changement d’employeur dans cette période, le moindre laps de temps séparant la fin du précédent contrat du suivant empêchera de remplir cette condition.
Au-delà de cette condition d’affiliation, pour ouvrir droit aux allocations chômage, la démission doit être postérieure à la mise en œuvre d’un conseil en évolution professionnelle visant à mettre un place un projet de reconversion professionnelle.
Ainsi, le salarié doit adresser une demande d’attestation du caractère réel et sérieux de son projet à la CPIR (commission paritaire interprofessionnelle régionale) avant d’avoir démissionné.
La CPIR appréciera alors la cohérence et la pertinence du dossier du salarié qui souhaiterait se reconvertir par le biais d’une formation ou d’un projet de création ou reprise d’entreprise.
La CPIR notifiera ensuite sa décision au salarié. Si elle considère que le projet revêt un caractère réel et sérieux, le salarié démissionnaire pourra déposer une demande d’allocation chômage dans les 6 mois suivants la notification de la décision.
A l’inverse, si le projet n’est pas considéré comme réel et sérieux, la démission du salarié n’ouvrira pas droit aux allocations chômage.
Enfin, Pôle Emploi pourra vérifier la mise en œuvre du projet de reconversion dans les 6 mois suivant l’ouverture du droit aux allocations. Si l’intéressé ne peut pas justifier de la mise en œuvre de son projet, il sera radié de la liste des demandeurs d’emploi avec une interdiction de se réinscrire dans les 4 mois qui suivent.
LES CONSEQUENCES DE LA REFORME POUR LES EMPLOYEURS
L’une des autres nouveautés des décrets d’applications du 26 juillet 2019 est la mise en place d’un bonus/malus qui consiste en une modulation des cotisations d’assurance chômage des entreprises ayant recours à des contrats courts.
En effet, les contrats à durée déterminée coûtent trois fois plus à l’Unedic qu’ils ne génèrent de cotisations !
C’est pourquoi la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 a introduit la variation du taux de contribution patronale d’assurance chômage en fonction du nombre de fin de contrats et ce sous l’impulsion des partenaires sociaux qui étaient convaincus par la pertinence de cette mesure.
Le décret n°2019-197 du 26 juillet 2019 est donc venu fixer le mécanisme du bonus-malus qui sera appliqué sur la contribution d’assurance chômage des entreprises de plus de 11 salariés, qui appartiennent à certains secteurs d’activité selon leur taux de rupture des contrats courts.
Ce bonus-malus ne s’appliquera qu’à compter du 1er janvier 2021.
Les entreprises concernées
Seuls les secteurs dont le taux de séparation médian est supérieur à un seuil fixé par arrêté seront concernés. Le seuil sera déterminé en fonction de l’écart constaté entre les différents secteurs.
D’après les premières informations fournies par le Ministère du travail, 7 secteurs pourraient entrer dans le champ d’application de cette disposition :
L’industrie agroalimentaire (y compris les boissons et les produits du tabac) ;
L’hébergement et la restauration ;
Les transports et l’entreposage ;
La production et distribution d’eau, assainissement, la gestion des déchets et la dépollution ;
Les activités spécialisées, scientifiques et techniques, telles que la publicité ;
La fabrication de produits en caoutchouc et en plastique et d’autres produits non métalliques ;
Le travail du bois, l’industrie du papier et l’imprimerie.
Le rattachement d’une entreprise à l’un de ces secteurs sera réalisé en fonction de l’activité économique principale qu’elle exerce ou, le cas échéant, de son objet social, et de la convention collective à laquelle elle est rattachée.
Par ailleurs, il convient de préciser que certaines fins de contrat ne seront pas prises en compte : les démissions, les fins de contrat de mission entre le salarié intérimaire et l’entreprise de travail temporaire, les fins de contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, les fins de CSS et contrats de mise à disposition professionnelle dont l’objet est de favoriser l’insertion professionnelle et les fins de contrats uniques d’insertion (CUI).
Les modalités de la modulation de la contribution
Le taux de contribution de base à la charge des employeurs est fixé à 4,05% des salaires bruts.
Ce taux pourra donc être modulé à la hausse ou à la baisse en fonction du taux de rupture de contrats de travail observés dans l’entreprise pendant une période donnée par rapport au taux de rupture médian observé dans le secteur d’activité.
Ainsi, l’employeur se verra notifier, par l’administration, une minoration ou une majoration de sa contribution du taux obtenu dans le secteur dans des conditions qui seront fixées ultérieurement par arrêté.
Un plafond et un plancher du taux de contribution modulé seront également déterminés par arrêté pour chaque secteur. Selon le Ministère du travail, le plafond pourrait être de 5% et le plancher de 3%.
Les employeurs des secteurs d’activité concernées devront donc être particulièrement vigilants à l’usage des contrats courts et aux ruptures de contrats intervenant à l’initiative de l’entreprise.
Nous restons à votre disposition pour toute précision complémentaire.
Géraldine CHICAL & Marine GIRAUD
Avocates à la Cour
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