Le confinement - Acte II !
Les entreprises ont, à nouveau, l’obligation d’adapter leur organisation et les méthodes de travail aux préconisations gouvernementales et sanitaires.
Le travail à distance devient la règle.
C’est pourquoi il nous est apparu utile de faire un point sur l’utilisation de la visioconférence en droit du travail.
Juridiquement, ce n’est qu’en 2015, avec la loi Rebsamen, que la visioconférence a fait son entrée pour la première fois dans le Code du travail.
L’épidémie que nous subissons actuellement aura, sans commune mesure, accéléré le recours à ce moyen de communication.
Nous avons donc fait le choix de faire un focus sur les trois possibilités de recours les plus récurrentes à la visioconférence, à savoir : l’entretien préalable, les réunions avec les salariés et les réunions avec les représentants du personnel.
L’entretien préalable
Comme vous le savez tous, par principe, l’entretien préalable à sanction doit se tenir en présence physique des parties.
Toutefois, les modalités d’exécution du travail, comme c’est le cas actuellement, peuvent rendre impossible la tenue de cet entretien en présentiel.
On peut donc légitimement s’interroger sur la validité juridique d’un entretien préalable à « distance », grâce aux moyens de communication.
A ce jour et à notre connaissance, la Cour de cassation ne s’est jamais prononcée sur la question.
En revanche, plusieurs Cour d’appel ont eu l’occasion de trancher.
Récemment, dans un arrêt du 4 juin 2020, la Cour d’appel de Versailles a admis la validité d’un entretien préalable par téléconférence, eu égard à l’éloignement géographique de la salariée, expatriée à Dubaï (CA Versailles, 4 juin 2020, n°17/04940).
Dans le même sens, la Cour d’appel de Rennes a admis la régularité d’un entretien préalable à licenciement par visioconférence dès lors que l’employeur et le salarié en sont d’accord (CA de Rennes, 11 mai 2016, n°14/08483).
En revanche, en début d’année, la Cour d’appel de Grenoble a refusé d’admettre la régularité de l’entretien préalable à licenciement, jugeant que les dispositions du Code du travail ne permettent pas un autre mode que la rencontre physique et relevant, par ailleurs, que le salarié n’aurait pas donné son accord pour une telle modalité (CA Grenoble, 7 janvier 2020, n°17/02442).
On remarque donc que les positions des juges du fond divergent. La position de la Cour de cassation sur ce point est ainsi particulièrement attendue.
Les arrêts de Cour d’appel rendus semblent démontrer que la validité du recours à la visioconférence soit subordonnée à trois conditions :
Que le salarié ait donné son accord ;
Que les droits du salarié soient respectés ;
Que le salarié ait été en mesure de se défendre utilement.
En pratique, lors de l’envoi de la convocation à entretien du salarié, il conviendra donc de recueillir son accord sur la tenue de l’entretien en visioconférence, veiller au respect du délai de 5 jours ouvrables entre la convocation et l’entretien ainsi qu’au respect de la règle de l’assistance du salarié.
En cas de refus du salarié sur l’utilisation de la visioconférence, à notre sens, vous ne pourrez lui imposer.
Il sera donc nécessaire de veiller à convoquer le salarié en présentiel si cela est possible (et dans le respect des gestes barrières le cas échéant), et d’être particulièrement vigilant aux délais de prescription, notamment des faits fautifs.
Pour les licenciements économiques, l’obligation de la remise du contrat de sécurisation professionnelle risque de complexifier la tenue des entretiens en visioconférence.
Pour les ruptures conventionnelles, la tenue des entretiens pourrait se dérouler en visioconférence, sous réserve du respect des conditions susvisées. En revanche, il conviendra d’accorder la plus grande vigilance à la signature du formulaire CERFA. En effet, en l’absence de position de la jurisprudence, il sera préférable de privilégier la signature en présentiel. En cas d’impossibilité, il pourrait être fait usage de la signature électronique sécurisée ou encore de la voie postale pour que chaque partie signe tour à tour.
Les réunions avec les salariés
Le protocole sanitaire, dans sa dernière version du 29 octobre 2020, préconise que les réunions en audio ou visioconférence constituent la règle et les réunions en présentiel l'exception.
Pour mémoire, le protocole sanitaire rédigé par le gouvernement ne bénéficie d’aucune valeur normative. Les dispositions ne constituent donc pas une obligation mais leur application sont malgré tout recommandées.
A défaut, chaque entreprise peut s’exposer à un risque contentieux et financier, aussi bien civilement que pénalement.
En conséquence, les réunions ne pouvant plus se tenir en présentiel, le lien avec les salariés peut est maintenu grâce à la visioconférence.
En effet, le télétravail ne neutralise pas pour autant le pouvoir de direction de l’employeur. Il est donc libre d’imposer la tenue des réunions à distance (pendant les horaires habituels de travail).
En revanche, il peut rencontrer certaines difficultés, comme celle du salarié qui refuse d’allumer sa caméra.
Alors peut-on obliger un salarié à allumer sa webcam ?
La CNIL répond par la négative en assimilant cette pratique à une surveillance excessive et disproportionnée.
La visioconférence n’étant pas indispensable à l’exercice de l’activité, le salarié peut communiquer uniquement oralement et peut ainsi refuser d’allumer sa caméra, notamment en invoquant son droit à la vie privée.
Il ne serait donc pas possible de sanctionner un salarié qui opposerait son refus à allumer la caméra.
Les réunions avec les représentants du personnel
Les réunions avec les représentants du personnel peuvent également être impactées par la difficulté de se réunir en présentiel.
Une fois encore, la visioconférence permet de maintenir le lien avec les élus.
La visioconférence avait été autorisée, jurisprudentiellement, avant même la loi Rebsamen, sous conditions.
Toutefois, comme évoqué précédemment, c’est cette loi qui, en 2015, a introduit un article au sein du Code du travail permettant le recours à la visioconférence pour réunir le Comité d’entreprise.
Cette faculté est limitée, par principe, à trois réunions par année civile sauf accord plus favorable entre l’employeur et les membres élus du Comité.
Dans le cadre de la situation inédite du premier confinement, l’ordonnance du 1er avril 2020 a permis de procéder aux réunions du CSE par conférence téléphonique ou par messagerie instantanée.
Cette ordonnance a institué un cadre juridique temporaire et a levé les restrictions quant au nombre de réunions par visioconférence.
Ce régime dérogatoire était limité à la période d’état d’urgence instituée pendant la première vague épidémique.
Compte tenu du nouvel état d’urgence décrété le 17 octobre dernier, nous pouvons nous interroger sur la possibilité de se saisir à nouveau de cette faculté.
Au-delà même des dispositions légales applicables, la jurisprudence admet peu à peu le recours à la visioconférence pour dialoguer avec le CSE.
Ainsi, très récemment, dans un arrêt daté du 30 septembre 2020, la Chambre sociale de la Cour de cassation a validé la consultation téléphonique du CSE concernant le reclassement d’un salarié inapte. Ce principe devrait pouvoir s’appliquer en matière de visioconférence.
En tout état de cause, il est plus que jamais important d'entretenir un lien privilégié avec le CSE.
En effet, la crise sanitaire a, bien évidemment, des répercussions sur "l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise" et sur l'exposition des salariés aux risques professionnels.
Il faut donc pouvoir concilier cette obligation de consultation avec les impératifs du confinement.
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En conclusion, nous ne pouvons que vous conseiller de vous saisir de cet outil qu’est la visioconférence pour continuer à exercer votre activité « presque » dans la normalité.
Nous vous rappelons, à toutes fins utiles, que, comme toute utilisation des nouvelles technologies, l’usage de la visioconférence impose nécessairement d’être vigilant quant aux données personnelles du salarié et à la cybercriminalité.
Nous restons bien évidemment à votre disposition pour toute précision complémentaire.
Géraldine CHICAL & Marine GIRAUD
Avocates à la Cour
geraldine.chical@chical-avocats.com
marine.giraud@chical-avocats.com