FLASH-INFO – RECAPITULATIF DES ENTRETIENS DE CARRIERE DU SALARIE

La loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 vient confirmer le rôle majeur de l’entretien professionnel en matière de formation en renforçant les obligations qui pèsent sur l’employeur quant à la mise en œuvre de cet entretien.​​ 

 

Souvent confondu avec l’entretien annuel d’évaluation, dont l’objectif est différent, il nous est apparu utile d’aborder dans ce flash-info les principaux entretiens qu’un employeur doit mener tout au long de la carrière du salarié.

 

Nous examinerons successivement l’entretien annuel d’évaluation, théoriquement facultatif, puis les entretiens légalement obligatoires1 : l’entretien professionnel, l’entretien de suivi de forfait-jours et l’entretien lié au mandat.​​ 

 

 

L’ENTRETIEN ANNUEL D’EVALUATION

 

L’employeur tient​​ de son pouvoir de direction né du contrat de travail le droit d'évaluer le travail de ses salariés.

 

L’entretien annuel d’évaluation quant à lui n’est pas une obligation légale mais peut être imposé par la convention collective.​​ 

 

Il est toutefois préférable de mettre en œuvre ce type d’entretien au sein de l’entreprise car :

 

  • Il constitue un outil permettant à l’employeur de respecter son obligation d’adaptation de l’intéressé à l’évolution de son emploi ;​​ 

  • Cela constitue un​​ élément objectif qui servira de fondement aux futures décisions de l’employeur, notamment en termes de promotion ou de rémunération ;

  • Il constituera également un élément objectif en cas de contentieux portant sur une inégalité de traitement, une insuffisance professionnelle…​​ 

 

Son objectif est alors d’évaluer les compétences du salarié à son poste, de faire le bilan des objectifs sur l’année écoulée et définir les objectifs pour l’année suivante.​​ 

 

  • Les modalités

 

Le code du travail impose à l’employeur de consulter les représentants du personnel avant de mettre en place un système d’évaluation. ​​ 

En effet, la jurisprudence considère que le projet de mise en place​​ d'entretiens annuels d'évaluation des salariés peut avoir une incidence sur le comportement des salariés, leur évolution de carrière et leur rémunération et que les modalités et les enjeux​​ de l'entretien sont manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail.

 

Par ailleurs, au-delà​​ de la consultation des représentants du personnel, le salarié doit être expressément informé, préalablement à leur mise en place des méthodes et techniques d’évaluations professionnelles mises en œuvre à son égard.​​ 

 

Enfin, la méthode d’évaluation doit reposer sur​​ des critères précis, objectifs et pertinents au regard de la finalité poursuivie.​​ 

 

Notre expérience du contentieux judiciaire nous amène à préconiser la tenue et la formalisation de ces entretiens, la question étant souvent soulevée par les conseillers prud’homaux.​​ 

 

 

L’ENTRETIEN PROFESSIONNEL

 

Créé par la loi du 5 mars 2014, l’entretien professionnel ne doit pas être confondu avec l’entretien annuel d’évaluation.​​ 

 

Contrairement à l’entretien annuel d’évaluation, l’entretien​​ professionnel est rendu obligatoire par l’article L. 6315-1 du Code du travail.​​ 

 

La loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 a apporté plus de flexibilité dans les modalités de mise en œuvre de cet entretien.​​ 

 

Son champ d’application est très large puisqu’il concerne toutes les entreprises, sans condition d’effectif, et tous les salariés sans distinction de qualification ou d’ancienneté.​​ 

 

  • L’entretien biennal

 

  • L’objectif​​ 

 

L’objectif de cet entretien est d’élaborer le projet professionnel du salarié :​​ ses perspectives d’évolution et les actions à mettre en œuvre pour assurer son employabilité dans, et hors de l’entreprise.​​ 

 

Sa finalité et son périmètre sont donc totalement différents de l’entretien d’évaluation.​​ 

 

Lors de l’entretien, l’employeur doit​​ alors transmettre au salarié certaines informations relatives :

  • A l'activation par ses soins de son compte personnel de formation (CPF) ;

  • Aux abondements que la société est susceptible de financer ;

  • Au conseil en évolution professionnelle ;

  • Aux perspectives d’évolution professionnelle ;

  • A la validation des acquis de l’expérience. ​​ 

 

  • Les modalités​​ 

 

Le salarié doit être informé dès son embauche de la tenue de l’entretien tous les deux ans (périodicité qui peut être modifiée par voie d’accord).

 

Au-delà du caractère biennal de cet entretien, il doit également être mis en œuvre au retour du salarié de :  ​​​​ 

  • Congé maternité ;

  • Congé parental​​ 

  • Congé d’adoption ;

  • Congé de proche aidant ;

  • Période de mobilité volontaire sécurisée ;

  • Période​​ d’activité à temps partiel ;

  • Arrêt longue maladie ;

  • Mandat syndical.

 

L’entretien professionnel peut également être anticipé lorsqu’il est organisé dans le cadre d’une reprise de poste après suspension du contrat de travail pour l’une des raisons listée ci-dessus.​​ 

 

L’initiative de cet entretien anticipé est réservée au salarié. Rien, légalement, n’impose à l’employeur d’accepter la tenue de cet entretien mais il semblerait que ça soit dans son intérêt d’accepter.

 

 

  • L’entretien « Etat des lieux »

 

Au-delà de cet entretien tous les deux ans, doit être organisé un entretien « état de lieux » tous les six ans. Cette périodicité ne peut être négociable.​​ 

 

Lors de l’entretien d’ « état des lieux », l’objectif est quant à lui de faire un récapitulatif sur le parcours professionnel du salarié, le salarié doit avoir bénéficié au moins 2 des 3 mesures suivantes :​​ 

  • Suivi au moins une action de formation ;

  • Acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ;

  • Une​​ progression professionnelle ou salariale.

 

  • Sanctions

 

Une fois les entretiens réalisés, l’employeur devra obligatoirement rédiger un document écrit et en remettre un exemplaire au salarié.

 

Auparavant, si le salarié n’avait pas bénéficié d’au moins 2 des 3​​ mesures précitées, l’employeur était sanctionné d’un abondement correctif sur le CPF du salarié, dans les entreprises de plus de 50 salariés.

 

Depuis la loi Avenir Professionnel, dès lors que l'employeur a permis au salarié de suivre, au cours des 6 ans précédant l'état des lieux récapitulatif du parcours professionnel, une action de formation ne s'inscrivant pas dans le cadre de l'obligation d'adaptation au poste de travail ou n'étant pas liée à l'évolution ou au maintien dans l'emploi, l'employeur n'est​​ pas tenu d'abonder le CPF.

 

Dans le cas contraire, l’abondement correctif est dorénavant d’un montant de 3.000 euros par salarié à verser à la Caisse des dépôts.​​ 

 

La mise en œuvre de l’entretien professionnel par l’employeur est donc une responsabilité de​​ taille pour l’employeur qui peut s’exposer à de lourdes conséquences financières.​​ 

 

Nous attirons votre attention sur le fait que, l’entretien professionnel ayant été institué en 2014, deux entretiens professionnels doivent avoir d’ores et déjà été organisés pour l’ensemble des salariés de l’entreprise : en 2016 et en 2018.

 

Toutefois, nous manquons de recul et d’informations des administrations pour apprécier les modalités et la réalité de la mise en œuvre des sanctions.​​ 

 

 

L’ENTRETIEN DE SUIVI DU FORFAIT​​ JOURS

 

Afin d’assurer la validité d’une convention de forfait en jours, il appartient notamment à l’employeur d’évaluer la charge de travail du salarié, l’organisation de son travail, ainsi que l’articulation entre son activité​​ professionnelle et sa vie personnelle et familiale.​​ 

 

C’est l’accord collectif autorisant le recours à la convention de forfait en jours qui définit les modalités selon lesquelles l’employeur s’assure régulièrement de l’évaluation et le suivi de la​​ charge de travail.​​ 

 

En l’absence de dispositions prévues par la Convention collective, l’article L. 3121-65 du Code du travail permet à l’employeur d’assurer la validité de la convention de forfait conclue en réalisant (entre autres obligations) un entretien annuel au sujet des thèmes précédemment évoqués.​​ 

 

En l’absence d’entretien, la convention de forfait est privée d’effet et le salarié, au-delà de pouvoir demander des heures supplémentaires pourrait solliciter des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.​​ 

 

Cet entretien est alors primordial et indispensable pour sécuriser, au sein de l’entreprise, le recours aux conventions de forfaits en jours et se prémunir en cas de contentieux sur le sujet.​​ 

 

Notre expérience du contentieux judiciaire nous amène à insister sur ce point, trop d’entreprises négligeant la tenue de cet entretien au risque de le regretter en cas de condamnation.​​ 

 

 

LES ENTRETIENS LIES AU MANDAT

 

  • En début de mandat

 

Cet entretien est facultatif et doit être organisé à la demande du représentant du personnel. S’il le demande, l’employeur ne peut pas refuser.

 

Il aura pour objectif de définir les modalités pratiques du mandat au sein de l’entreprise, au regard de l’emploi.​​ 

 

  • En fin de mandat

 

L’article L. 2141-5 du​​ Code du travail impose cet entretien pour les représentants titulaires et ceux qui ont bénéficié d’heures de délégation supérieures ou égales à 30% de la durée du travail applicable au salarié.​​ 

 

Toutefois, ​​ l’article 5 l’ordonnance du 22​​ septembre 2017, a élargi le champ d’application de cet entretien pour tous les mandats prenant effet après le 31 décembre 2019 :

  • Pour les entreprises de 2000 salariés et plus : pas de condition relative aux heures de délégation ;​​ 

  • Pour les​​ entreprises de moins de 2000 salariés : obligation que pour les représentants du personnel disposant d’heures de délégation supérieurs ou égales à 30% de la durée du travail annuelle.​​ 

 

L’objectif est le recensement des compétences acquises en cours de mandat, préciser les modalités de valorisation de l’expérience acquise.​​ 

 

En pratique, cet entretien se confond avec l’entretien professionnel qui doit être réalisé à la fin d’un mandat.​​ 

 

Aucune sanction spécifique n’est prévue par le texte, mais du fait du​​ caractère d’ordre public de l’article L. 2141-5 du Code du travail, le salarié protégé qui n’a pas bénéficié d’entretien pourrait prétendre à des dommages et intérêts.​​ 

 

 

 

Pour conclure, si la mise en œuvre de ces entretiens peut être contraignante pour l’employeur, ils permettent surtout à l’entreprise de se prémunir d’éventuels contentieux et sollicitations de dommages et intérêts annexes.​​ 

 

Une vérification de vos pratiques nous parait donc nécessaire pour éviter les mauvaises surprises !

 

 

Géraldine CHICAL & Marine GIRAUD

Avocates à la Cour​​ 

 

 ​​​​ geraldine.chical@chical-avocats.com

 ​​​​ marine.giraud@chical-avocats.com

 

1

​​ Ne seront toutefois pas abordés dans la présente étude l’entretien d’embauche, l’entretien préalable obligatoire dans le cadre de la mise en​​ œuvre d’une procédure disciplinaire ainsi que l’entretien obligatoire relatif à la mise en œuvre d’une période de télétravail.

 

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