FLASH INFO – MATERNITE ET LICENCIEMENT: RAPPELS UTILES

 

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FLASH INFO :

MATERNITE ET LICENCIEMENT : RAPPELS UTILES

 

 

Même si les mentalités ont bien évolué, nous entendons encore parfois, des propos qui nous conduisent à rappeler que​​ la maternité ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement 😊.

Au contraire, le licenciement fondé sur l’état de grossesse constitue une discrimination prohibée par l’article L1132-1 du Code du Travail et sanctionné pénalement.

Les articles​​ L.1225 et suivants du Code du travail instaurent donc une protection de la femme enceinte contre le licenciement organisée autour de deux périodes distinctes.

Durant la grossesse et jusqu’au début du congé de maternité, l’employeur ne peut licencier la salariée qu’en cas de faute grave non liée à son état de grossesse, ou d’impossibilité de maintenir son contrat pour un motif étranger à la grossesse.​​ 

Durant les dix semaines qui suivent son congé de maternité, la mère bénéficie d’une protection identique.​​ 

En revanche, pendant son congé de maternité, la salariée bénéficie d’une protection absolue contre le licenciement. Aucun licenciement ne peut prendre effet ni être signifié pendant cette période, quel que soit le motif. Tout licenciement contraire à ces​​ dispositions est nul et la salariée est en droit de demander sa réintégration.

Toujours dans cette optique protectrice,​​ le Code du travail prévoit que l’employeur doit systématiquement proposer à la salariée qui reprend son activité à l’issue d’un congé maternité un entretien professionnel consacré à ses perspectives d’évolutions professionnelles, notamment en termes de qualifications et d’emploi.

 

La Cour de Cassation, récemment interrogée sur le point de savoir si le fait que l’employeur n’organise pas d’entretien professionnel avec une salariée de retour de congé de maternité peut rendre nul son licenciement ultérieur, a répondu par la négative​​ (Cour de cassation, chambre sociale, 7 juillet 2021, n°21-70.011).​​ 

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L’enjeu était de taille car la nullité du​​ licenciement aurait pu avoir des conséquences beaucoup plus lourdes pour l’entreprise.

 

C’est pourquoi, avant de revenir plus en détail sur cet arrêt dans le cadre d’un petit focus jurisprudentiel, nous avons jugé utile de vous faire un bref rappel des règles protectrices contre le licenciement et des sanctions encourues par l’employeur en cas de méconnaissance de ces règles.​​ 

 

 

 

 

 

 

UNE PROTECTION CONTRE LE LICENCIEMENT A CHAQUE ETAPE DE LA MATERNITE

 

 

 

Avant la date légale du congé maternité 

La protection contre le licenciement est​​ relative​​ : le licenciement d'une femme enceinte est possible, mais uniquement si la salariée a commis une faute grave ou s'il est impossible de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse,​​ par exemple, la fermeture de la Société.​​ 

 

 

Durant le congé légal de​​ maternité et pendant les congés payés pris immédiatement après celui-ci 

La protection contre le licenciement est absolue​​ : conformément aux dispositions de l’article L.1225-4 du Code du​​ travail, l'employeur n'a pas le droit de licencier la salariée, quel qu'en soit le motif, ni même de prendre des mesures préparatoires au licenciement.

En revanche, si votre convention collective prévoit l’octroi d’un congé complémentaire au congé légal,​​ la jurisprudence précise que cette protection absolue ne joue pas pendant le congé conventionnel succédant au congé légal de maternité, excepté lorsqu'une disposition conventionnelle le prévoit expressément.​​ 

 

 

Pendant les 10 semaines qui suivent la fin du congé légal de maternité 

La protection contre le licenciement est à nouveau relative​​ : le licenciement n'est possible qu'en cas de faute grave ou d'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse, l'accouchement ou​​ l'adoption.

 

ATTENTION : l’article L.1225-4 du Code du travail précise que​​ si la salariée pose des congés payés immédiatement après le terme de son congé de maternité, la période de protection relative de 10 semaines est suspendue et son point de départ est reporté à la date de la reprise du travail par la salariée.

 

 

BON A SAVOIR

 

 

 

 

Situations particulières :

L'interdiction de licencier la femme enceinte​​ s'applique​​ en cas d'interruption de grossesse. Elle prend fin à la date de l'intervention.

En​​ revanche, la protection ne joue pas​​ pendant la​​ période d'essai​​ et​​ ne fait pas obstacle​​ à​​ l'échéance d'un contrat à durée déterminée.

 

 

 

Et pour le second parent ?​​ 

 

L’article L.1225-4-1 du Code du travail dispose que les salariés sont protégés contre​​ le licenciement durant​​ les 10 semaines suivant la naissance ou l'arrivée au foyer de leur enfant, à l'instar de la protection existant pour les mères à l'expiration du congé de maternité. Le licenciement est toutefois​​ admis​​ en cas de​​ faute grave du salarié​​ ou​​ d'impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant.

 

 

 

 

Quid du congé d’adoption ?​​ 

 

L’article L.1225-38 du Code du travail dispose que le congé d'adoption peut être pris indifféremment par la mère ou le​​ père, voire partagé entre les deux parents adoptants.​​ 

Pendant la période de suspension du contrat de travail, le salarié bénéficie de la protection absolue​​ contre le licenciement.

 

 

 

 

 

SANCTIONS EN CAS DE NON RESPECT PAR L’EMPLOYEUR DE LA PROTECTION​​ CONTRE LE LICENCIEMENT : NULLITE DU LICENCIEMENT

 

 

 

Si le licenciement est déclaré nul, la salariée dispose d’un choix :​​ 

 

  • Demander sa réintégration ;​​ 

 

  • Ne pas demander sa réintégration et obtenir différentes indemnisations. ​​ 

 

Droit à réintégration​​ 

 

Si​​ le licenciement est déclaré nul, la salariée a droit à réintégration dans son emploi, ou à défaut, dans un emploi équivalent, c'est-à-dire comportant le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière que l'emploi initial.

 

La jurisprudence précise que sa réintégration​​ doit être ordonnée si la salariée le demande. Ainsi, la réintégration​​ est de droit si elle est demandée​​ et​​ ne peut pas être remplacée par des indemnités​​ prononcées par le juge.

 

Compensation pécuniaire​​ si la salariée ne demande pas sa réintégration​​ 

 

Si la salariée ne demande pas sa réintégration, elle a droit :​​ 

 

  • ​​ Aux indemnités de rupture :

  • Indemnité de préavis (dont le point de départ correspond à la date à laquelle la période de protection de 10​​ semaines prévue à l’article L.1225-17 du Code du travail prend fin) ;​​ 

  • Indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;​​ 

  • Indemnité compensatrice de congés payés calculés sur la période couverte par la nullité dans la mesure où la période de protection​​ est assimilée à une période effectivement travaillée.

 

  • La salariée a également droit à​​ une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire réparant intégralement le préjudice subi résultant du caractère illicite du licenciement.​​ 

 

Dans les deux cas : droit​​ au paiement des salaires qui auraient dû être perçus pendant la période couverte par la nullité 

 

La salariée dont le licenciement est nul​​ a droit au paiement des salaires qu'elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité​​ (périodes de suspension du contrat auxquelles elle a droit en application des articles L. 1225-17 et suivants du Code du travail,​​ sans déduction des indemnités journalières de sécurité sociale versées le cas échéant).

 

 

 

 

SANCTIONS EN CAS DE NON RESPECT PAR L’EMPLOYEUR DE LA PROTECTION CONTRE LE LICENCIEMENT : NOTRE COMMENTAIRE

 

 

 

 

 

Observations​​ 

 

Dans le cadre d’un éventuel contentieux dans un contexte de maternité, les dispositions légales​​ et jurisprudentielles relatives aux sanctions de l’employeur représentent​​ un véritable enjeu financier pour l’entreprise.​​ 

 

En effet, en cas de méconnaissance des règles protectrices, le juge se placera sur le terrain de la nullité et non du licenciement​​ abusif.​​ Le salarié peut ainsi prétendre à sa réintégration ou à un minimum de 6 mois de salaire, sans critère d’ancienneté. En fonction des éléments du dossier, cela laisse une grande liberté au juge dans son pouvoir d’appréciation et de condamnation.​​ 

 

Pour rappel, dans le cadre d’un licenciement abusif, les indemnités auxquelles le salarié peut prétendre sont plafonnées en fonction de l’ancienneté (Barème Macron). L’employeur peut ainsi anticiper et provisionner son risque.

 

Dans le cadre d’un contentieux​​ dans un contexte de maternité, l’incertitude refait surface.

 

Ce d’autant qu’il n’est pas rare que les salariées se placent sur le terrain de la réintégration.

 

Bête noir des entreprises, nous constatons par expérience que la demande de réintégration est​​ souvent utilisée par la salariée pour contraindre l’employeur à négocier en arrivant à la table des négociations en position de force.

 

Compte tenu des risques qui pèsent sur l’entreprise dans le cadre du licenciement d’une salariée enceinte ou de retour de congé maternité, nous vous encourageons à la plus grande vigilance lors de la mise en œuvre d’une telle procédure.​​ 

 

 

 

 

 

 

FOCUS JURISPRUDENTIEL 

ENTRETIEN PROFESSIONNEL AU RETOUR DU CONGE MATERNITE :​​ 

Le licenciement prononcé sans entretien​​ professionnel à l’issue du congé maternité n’est pas nul

 

 

(Cour de cassation, chambre sociale, 7 juillet 2021, n°21-70.011)

 

Rappel des faits et de la procédure

 

 

Une salariée a été licenciée pour​​ insuffisance professionnelle​​ quelques mois après son​​ retour de congé maternité.​​ 

 

Elle soutenait donc que son licenciement était nul, au motif notamment que l’employeur ne lui avait pas proposé, lors de la reprise de son activité,​​ l’entretien professionnel prévu à l’article L.1225-27 du Code du travail.​​ 

 

Le​​ Conseil de prud’hommes a sollicité l’avis de la chambre sociale de la Cour de Cassation d’une demande d’avis quant aux conséquences de cette absence d’entretien sur la validité du licenciement prononcé.

 

Question de droit

 

      

Le manquement de l’employeur à son obligation de proposer à la salariée qui reprend son activité à l’issue d’un congé de maternité l’entretien professionnel prévu à l’article L. 1225-27 du Code du travail est-il susceptible, à lui seul, d’entraîner la nullité du licenciement en ce​​ qu’il constitue une méconnaissance de l’une des protections visées à l’article L. 1235-3-1, 6o, du même Code ?

 

 

Rappel des règles

 

 

L’article L.1225-27 du Code du travail prévoit que la salariée qui reprend son activité à l’issue de son congé maternité a​​ droit à un entretien professionnel dès son retour. ​​ Cet entretien professionnel permet de faire le point sur le parcours professionnel de la salariée et l’occasion de d’évoquer l’organisation d’actions d’adaptation et/ou de formation pour faciliter la reprise du travail après l’absence de l’intéressée.​​ 

 

L’article L. 1235 -3-1 6° du Code du travail dispose qu’est nul le licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la protection de la grossesse et de la maternité.

 

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Selon la Cour de cassation, l’article L 1235-3-1 du Code du travail a pour objet de recenser les​​ hypothèses de nullité du licenciement dans lesquelles l’application de l’article L 1235-3 du même Code, qui fixe le barème des sanctions en cas de licenciement abusif, est écartée.

 

Pour la chambre sociale, l'article L 1235-3-1 du Code du travail n’a donc pas vocation d'ériger de nouveaux cas de nullité.​​ La Cour applique ainsi l’adage « pas de nullité sans texte ».​​ 

 

La Cour retient qu’il ne résulte d’aucune disposition légale que l’absence d’organisation de l’entretien professionnel pourrait être, à elle seule, une cause de nullité d’un licenciement ultérieurement prononcé.

 

En conséquence, l'absence d'organisation de l'entretien prévu par l'article L 1225-27 du même Code ne peut être une cause de nullité, cette sanction n’étant pas envisagée par le texte.

 

Comme tous les articles du Code du travail qui ne prévoient pas de sanction spécifique en cas de violation de l’obligation, l’absence de respect de ladite obligation oblige l’employeur à réparer le préjudice subi par le salarié.​​ 

 

L’employeur risque donc une condamnation à verser des dommages et intérêts à la salariée mais ne s’expose pas à la nullité de sa décision de licencier.

 

 

 

 

Préconisations

 

Dans le cas d’espèce,​​ un tel licenciement pourrait toutefois être jugé abusif si la salariée était en mesure de prouver que le manquement de l’employeur à son obligation d’organiser l’entretien professionnel a contribué à l’insuffisance professionnelle qui lui a été reprochée par la suite.​​ 

 

Nous vous conseillons donc de privilégier la tenue systématique d’un entretien professionnel si le cas se présente.​​ 

 

Cet entretien est à distinguer, bien sûr, de la visite de reprise qui doit être organisée par l’employeur au retour du congé maternité.

 

Vous l’aurez compris, le licenciement d’une femme enceinte ou à son retour de congé maternité comprend de nombreuses subtilités. Il est important de ne pas​​ agir dans la précipitation.​​ 

 

 

Nous sommes disponibles pour en parler avec vous.​​ 

 

 

 

 

Géraldine CHICAL & Marion SCHULIAR

Avocates à la Cour​​ 

 

 ​​​​ geraldine.chical@chical-avocats.com

 ​​​​ marion.schuliar@chical-avocats.com

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